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Une pluie battante, comme on en trouve souvent à Gilnéas, les quelques corbeaux s’amoncelant au dessus des toits, une augure funeste du tragique destin de cette citée alors que les quelques hurlements de loups se font entendre au loin, suivie de croassement rauque qui accompagne le pas rythmé des habitants de la ville, inconscient du danger. Puis, un éclair, jaillissant du ciel pour s'écraser à quelques kilomètres de la ville, éclairant subitement celle-ci et la dévoilant, comme on tire des rideaux pour dévoiler une pièce de théâtre sordide et tordu à un public.
L'an 26. Gilnéas. Une journée ensoleillée, mais la ville est toujours battue par les vents froids et violents des océans. Je marche, lentement, déambulant dans les rues de la citée, sans réel but. Une rage dévorante me prends aux entrailles, elle est toujours là. Me détruisant de l'intérieur, déchirant mon être et me volant tout, même moi. Elle m'a déjà pris mon honnêteté, il faut... Que je m'arrête. Alors, je titube, lentement, le délire causé par les sensations contradictoires de mon corps me forçant à rire nerveusement, mais je dois me cacher, ne pas rire, ne pas rire, ne pas rire.... NE... PAS... RIRE! Je continue de marcher, cette fois, j'ai un but précis, et cette fois aussi, je réussis à l'atteindre. Repoussant la porte devant moi de l'épaule. Repoussant les habitués de l'endroit jusqu'à m'affaler au bar. Heureusement... j'ai pris mon argent... Je commence à boire, la première chose que je vois et qui contient de l'alcool... Le reste... Est flou. C'est ainsi... Que je passe ma journée à décuver. Ma vie... Me bourrer la gueule le matin et décuvé l'après-midi, pour rentrer chez moi le soir... Ça m'arrive une ou deux fois par semaine...
Je me réveille lentement, le crâne pilonné par l'alcool me rabat sur le sol, d'après ce que je sent sur la joue... On m'a balancé dehors, sur des pavés plein de crasse... Mais au moins... Ma rage n'est plus là... Il faut... Que je me... Relève... J'essaye alors... Misérable, traînant dans la crasse, essayant de se relever, sans y réussir, quand je sens une main empoigner mes vêtements et me soulever, j'essaye de tenir à peu près debout... M'aidant du mur, pour finalement vomir contre le mur. Une voix que je ne connais pas se fait entendre.
Et bien... Les gars... On a dégoté le gros lot... Tu fais quoi ici? Après avoir enfin compris qu'il me parle à moi. Je tente de relever la tête, j'y arrive sans vomir cette fois, toujours à moitié courbé comme un chien contre le mur cependant... Et je vois... Un garde. Que me veut-il? Que fait-il dans une ruelle? Les autres silhouettes autours de lui sont elles aussi équipées, des gardes eux aussi. Il reprends, d'une voix grave et lente, me donnant le temps de déchiffrer. Mouai... Pas b'soin d'savoir c'qui fait ici non? C'est évident. Il ricane, un simple ricanement, un peu railleur, la rage me reprends, frappant plus fort contre mon estomac, que je dois me rabaisser à vomir une nouvelle fois. Mais je dois me contenir... Personne. Personne ne doit savoir ma rage.
T'veux faire quelque chose de ta vie? Au lieu de te saouler? La Garde recherche des hommes. A cause de la menace des terroristes de Crowley. Ça pourrait être pas mal pour un cul-terreux dans ton genre non? Je vois... Ils veulent profiter que je sois déchiré pour m’enrôler de force... Cependant... J'crois qu'on a volé ma bourse pendant que j'étais ivre mort...Garde, c'est peut être pas si mal... J'ai vu des gardes se saouler en service... Et si ça me permet de tuer des terroristes, c'est contre eux que j'en ai... C'est tout à cause d'eux... Alors, je leur fait signe d'approcher le papier que le garde a dans la main... Je compte signer, et voyant les spasmes et les tremblements de ma main... Je n'opte que pour une croix... Me voilà donc enrôlé...
Parfait. J'm'apelle Ben, on va t'accompagner jusqu'à la caserne, et on verra c'qu'on fait pour toi là-bas. Il pointe un garde. Un gamin, plus jeune que moi, visiblement c'est le p'tit nouveau... Ce serait donc un bizutage de m'aider à marcher... On déambule comme ça, jusqu'à la caserne, c'est à ce moment-là... Qu'il y a eu le second déclic, j'ai entendu, quand on est passé proche des prisons, les cris et lamentations des prisonniers. J'n'ai rien ressentie.Je n'ai rien éprouvée, si, juste de la peur. La peur de n'être plus capable de ressentir quelque chose pour une personne. Et la peur, de ne pas comprendre pourquoi je devais me mordre la joue pour éviter de sourire à leurs cris.